(ou le board de la résistance)
Hier, nous avons organisé notre premier Scrumbeer chez Extia(1). Des gens sympas, des bières et plein d’histoires à partager autour de Scrum, mais pas seulement. Pour l’occasion, j’avais apporté mon jeu de « Agile Topics Cards » pour le partager avec Anaëlle et Djamel suite à une discussion que nous avions eu la veille. Une occasion sympa de tester une des 9 manières d’utiliser ce jeu de cartes.
« Piochez 4 cartes.
Construisez une histoire à l’aide de ces 4 cartes.
Soit quelque chose qui s’est passé ou quelque chose que vous aimeriez voir arriver. »
Nous avons donc partagé des retours d’expériences à tour de rôle, puis nous nous sommes partagé des idées pour capitaliser sur des succès ou faire face à des situations difficiles liés à nos rôles en entreprise.
Une des histoires qui m’a particulièrement inspirée est celle de Louis (le prénom a été modifié pour préserver son anonymat. Ce qui est partagé au Scrumbeer, reste au Scrumbeer ;-)).
Louis est développeur. Il travaille depuis quelques mois dans une grande entreprise du domaine du retail. Lors de son entretien d’embauche, l’échange avait été fortement axé sur les méthodologies Agiles. Un niveau de maturité dans la pratique d’une approche Agile semblait requis pour ce poste.
En arrivant dans sa mission, Louis a été surpris de constater que ce n’était pas vraiment le cas. Le travail n’était pas réellement organisé. Par exemple, un Chef de Projet lui fournit des spécifications au compte-gouttes. Louis réalise les développements, et pendant ce temps, le même Chef de Projet lui fournit le même document de spécifications mis à jour avec de nouveaux requis ici et là. Ce schéma se répète continuellement et pourtant ne s’apparente en rien à une approche incrémentale ou itérative.
Louis ne semble donc pas vraiment avoir de visibilité sur la Vision, le périmètre ou même sur l’ensemble des cas fonctionnels liés à une fonctionnalité en particulier. Il ne peut pas définir une vision technologique pour la solution qu’on lui demande de construire. Bien qu’il soit jeune, impliqué et force de propositions, cette organisation chaotique impacte sa motivation.
Pour pouvoir évoluer dans un système à ce point désordonné, Louis a proposé à son coéquipier (développeur également) de s’organiser autour d’un tableau Kanban pour visualiser le flux de travaux à produire, les tâches en cours et mesurer l’avancement. Il a même essayé Kanbanchi et recommande fortement cet outil qui l’a beaucoup aidé à structurer son travail et avancer malgré le contexte qu’il subit.
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais dans un souci de transparence, Louis a partagé ce nouveau mode de fonctionnement avec le Chef de Projet. Celui-ci s’est d’abord montré intéressé, disant qu’il s’agissait d’une bonne idée pour améliorer l’efficacité des développements.
Mais très rapidement, il n’a pu s’empêcher de reprendre le contrôle sur le mode de fonctionnement de l’équipe. En imposant par exemple le nombre de tâches qu’il faut créer pour la réalisation de tel besoin… En décidant que c’est avec Trello qu’il faut travailler, et non Kanbanchi… etc.
L’équipe ne peut donc plus s’auto-organiser et l’outil ne répond plus du tout à leur besoin. Pire, les contraintes du système sont encore plus fortes que ce qu’elles étaient avant même de mettre en place ce board.
Louis et son binôme ont donc décidé de travailler en sous-marin, de profiter des absurdités du système pour créer le Kanban de la résistance. Ils utilisent donc un autre tableau pour gérer leur flux de travail, qu’ils organisent comme ils le souhaitent, mais auquel personne d’autre qu’eux n’a accès. Ils ont fait une croix sur la transparence et la confiance au profit de la liberté et de l’auto-organisation.
Le Chef de Projet, quant à lui, pense que l’équipe se plie au mode de fonctionnement qu’il impose. Le tableau auquel il a accès est beau mais ne représente rien. L’équipe lui dit « oui » pour lui faire plaisir mais ne le sollicite presque plus et s’organise en cachette comme elle l’entend.
Conclusion:
A force de vouloir forcer une organisation du système, on n’arrive à rien.
Faire preuve de leadership, c’est aussi faire preuve d’écoute et de lâcher-prise.
Apprendre à danser avec le système pour que celui-ci nous le rende bien davantage.
Et vous, comment réussissez-vous à avancer dans un système qui vous bride ?
Comment surpassez-vous les contraintes imposées par des organisations gangrenées ?
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(1) Eh oui, après près d’un an à Montréal, me voilà revenue en France, et plus particulièrement dans la région de Lille. Quelques mésaventures avec le Ministère de l’Immigration du Québec ne m’ont pas permis d’avoir un visa de travail pour rester plus longtemps dans ce pays où je me sentais si bien. Qu’à cela ne tienne, c’était l’occasion de partir pour de nouvelles aventures dans la région de Lille. Installée dans cette nouvelle ville depuis près de 2 mois, j’y ai déjà fait des rencontres formidables.
(2) Si vous êtes à Lille, venez boire une bière avec nous au prochain Scrumbeer ! (contact)
Comments 4
Génial !
Pour connaitre personnellement ce cher Louis, je crois qu’il n’a pas terminé d’être confronter à ce type de phénomène.
Louis fait parti de la génération née avec la philosophie Agile, il fait du mot « pragmatisme » sont étendard.
C’est grâce à ses qualités, qu’il est déjà un véritable agilitateur.
Bravo pour la résistance!
Je dis oui !! Bravo et merci Lucy 🙂
Bravo à Louis et à son équipier d’oser et de ne pas laisser mourir les pratiques Agiles !
Bravo à Louis de partager son vécu et à toi Lucie de le repartager avec nous ! Un échange riche !